Bonjour Thiebault,
Je vous remercie de votre dernier post, où vous développez des idées extrêmement intéressantes, et pour lesquelles j'aimerais apporter les précisions suivantes.
Vous écrivez:
Concernant le fait que la Parole s'adresse à un adorateur de Dieu.
Votre remarque est pertinente, Didier. Néanmoins, si Dieu ne dit pas "Mon Dieu", Il dit "Le Dieu".
En grec, il n'y a pas d'article indéfini. C'est donc la présence ou l'absence de l'article défini qui permet de lire correctement "un" ou "le". Ici, l'article défini est présent : "o théos". Dieu dit donc : "Le Dieu" !
"Le Dieu" signifie que si les hommes sont des dieux, Jésus Lui est le Dieu.
Il faut être prudent, Thiebault, lorsqu’on fait appel à certaines particularités de la langue grecque pour déterminer le sens d’une expression.
Dans le cas du vocatif, l’absence ou la présence de l’article n’est pas
significative. En effet, le nominatif peut s’employer indifféremment avec ou sans l’article au sens d’un vocatif. Par exemple, quand nous lisons en Marc 5:41: «
Fillette [grec
to corrasion],
je te le dis, réveille-toi! » (
TOB), le mot « fillette » [
corrasion] se trouve au nominatif accompagné de l’article défini '
to'. Marc ne voulait pas parler de «
La fillette », dans un sens différent des autres fillettes qui existaient à cette époque. Non, la présence de l’article ici s’accorde tout simplement avec l’usage qu’il en était fait selon
l’idiome de la langue grecque. D’autres exemples similaires se trouvent en Marc 5:8 ; Luc 8:54; etc…
Pareillement, l’absence d’article devant un nominatif, employé au sens d’un vocatif, n’est guère plus significatif. Par exemple, nous lisons en Marc 5:34: «
Ma fille [grec
thugatêr],
ta foi t’a sauvée ». Le nominatif
thugatêr, dénué d’article, ne désigne pas
une femme parmi tant d’autres, mais celle à qui Jésus s’adressait en particulier.
Pour un examen détaillé de l’emploi de l’article dans le cas d’un nominatif ayant le sens d’un vocatif, veuillez consulter l’ouvrage
Grammar of the Greek New Testament in the light of Historical Research; p. 465 - A.T. Robertson (consultable en ligne:
http://faculty.gordon.edu/hu/bi/Ted_Hil ... WebBib.htm )
Vous pouvez ainsi constater, Thiebault, que l’article
'ho' associé à
theos, en Héb. 1:9, n’est nullement significatif quant à savoir si Dieu appelle son Fils «
Le Dieu ». Cet article respecte
l’usage idiomatique qu’on faisait du nominatif lorsqu’on l’employait au sens d’un vocatif dans la langue grecque.
Mais que dire du passage d’Hébreux 1:10 à propos duquel vous écrivez:
Ici, je voudrais faire un parallèle avec He 1;10 et Ge 1;26.
Aucun homme n'a été associé à la Création. Déjà, dans la Genèse, Dieu dit pour Sa plus belle Création : "Faisons !", associant clairement le Fils.
Et nous avons la confirmation, ou plutôt l'éclaircissement sur ce passage de la Genèse, que le Père a accompli la Création avec le Fils. Comment, dès lors, concevoir qu'un non-Dieu puisse créer la terre, la nature, la lumière, les animaux et, enfin, l'Homme ?
Je vous rejoins totalement dans votre raisonnement, car il est bien évident que si le Fils a participé à la création de l’univers physique qui nous entoure, c’est en raison de sa
nature divine. Maintenant, Thiebault, cela signifie-t-il pour autant que Jésus est le
créateur de tout ce qui existe?
Vous semblez le croire.
Néanmoins, la suite de ce passage est très explicite et dissipe le doute qui pouvait subsister à la lecture de He 1;8-9. Cette suite, c'est le verset 10 : "C'est toi qui, aux origines, Seigneur, fondas la terre, et les cieux sont l'oeuvre de tes mains."
Ce verset est une citation du Psaume 102:25 qui s’adresse au Dieu Tout-Puissant de l’Ancien Testament, Jéhovah. Puisqu’ Hébreux 1:10 l’applique à Jésus, beaucoup y voient une preuve de la divinité du Fils (ce qui en soit s’accorde pleinement avec les Ecritures), voire même de son identification au Dieu créateur dont il est question dans l’Ancien Testament.
Vous remarquerez toutefois qu’Hébreux 1:8,9, qui s’applique à Jésus, est une citation du Ps. 45 qui s’adressait d'abord à un roi israélite, peut-être Salomon. Le fait que ce Psaume s‘applique à la fois à ce roi et à Jésus n’identifie en rien ces deux personnages à un seul et même individu . Il en va de même de Psaume 102:25 et d’Hébreux 1:10. Si Jésus a effectivement joué un rôle actif dans la création de tout ce qui existe, cela ne veut pas dire qu’il s’identifie pour autant au Dieu créateur dont il est question dans l’Ancien Testament, et qui est à l’origine de tout. Les Ecritures montrent clairement quel a été le rôle du Fils dans ce domaine.
Paul écrit:
«
Il n'y a pour nous qu'un seul Dieu, le Père, de qui [grec:
ex hou ; indiquant l'origine]
tout vient, et vers qui nous allons, et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui [grec:
di' hou; indiquant le moyen, l'instrument]
tout existe et par qui nous sommes." (
TOB).
Avez-vous remarqué, Thiebault, la distinction que Paul établit entre le Père «
de qui tout vient », et le Fils «
par qui tout existe »? La préposition
ek («
ex ») indique que le Père est à
l’origine de tout, c’est à dire qu’il est la
cause première de tout ce qui existe, l’architecte qui a
conçu toutes choses au départ. Le Fils, par contre, est celui
par qui ces choses sont venues à l’existence. Il est donc l’agent, ou le moyen, par lequel Dieu a créé tout ce qui existe. «
C’est par lui [grec
di’ hou]
que Dieu a crée l’univers » - Héb. 1:2. La préposition
dia («
di’ ») suivi d’un génitif, comme c’est le cas en 1 Cor. 8:6 et Héb. 1:2, est employée au sens
instrumental, comme le souligne
A Greek-English Lexicon of the New Testament; p. 133 - J.H. Thayer.
Un ouvrage récent fait le commentaire suivant:
«
Le logos a servi d‘intermédiaire pour la Création, c‘est par lui que « tout est venu », en particulier la lumière et la vie, car il est la vie» -
Nouveau Vocabulaire Biblique; p. 441.
Les premiers chrétiens identifiaient le créateur
au Père, et non au Fils, comme en témoignent ces paroles:
"
Que toutes les nations connaissent que tu es toi le seul Dieu " (1 R. 8, 60) Et que Jésus-Christ est ton Fils, Et " nous-mêmes, ton peuple et le troupeau de ton bercail " (Ps 78, 13). C'est toi dont les œuvres ont fait apparaître l'immortelle harmonie du cosmos, C'est toi, Seigneur, qui as fait la terre habitée, Toi qui te montres fidèle dans toutes les générations, Juste dans tes jugements, Admirable dans ta force et ta majesté, Sage dans ta création " – Clément de Rome, aux Corinthiens, LIX,4 – LX,1.
"
Ainsi donc, il n'y a qu'un seul et même Dieu. C'est lui qui roule les cieux comme un livre et qui renouvelle la face de la terre. C'est lui qui a fait les choses temporelles pour l'homme (...) C'est lui qu'ont annoncé la Loi et les prophètes et que le Christ a reconnu pour son Père. Il est le Créateur, et il est aussi le Dieu au-dessus de toutes choses ".–
Contre les hérésies, livre IV, 5, 1; Irénée de Lyon.
Enfin, je conclurai sur le passage de Jean 10:34,35. Vous écrivez:
Il y est notamment écrit "Il arrive donc à la Loi d'appeler dieux ceux auxquels la Parole de Dieu fut adressée."
1. Jésus, homme sans péché
Jésus étant le Fils engendré et non pas créé de Dieu, la Parole de Dieu ne peut pas s'adresser à Jésus.
(…) . La Parole de Dieu ne peut être adressée à un homme qui ne pèche pas, êtes-vous d'accord avec moi Didier ?
Je suis entièrement d’accord avec ce que vous dites, Thiebault, sur ce dernier point. Toutefois, si je comprends bien votre raisonnement, vous semblez penser que l’on ne devrait pas utiliser ce passage pour affirmer que Jésus peut être qualifié de « dieu » au même titre que « ceux auxquels la Parole de Dieu fut adressée ». Ai-je bien compris?
Dans ce cas, vous-êtes vous déjà demandé, Thiebault, pourquoi Jésus cite Psaume 82:6, mettant ainsi l’accent sur un emploi particulier de l’appellation « dieu »?
Selon le verset 33, ses détracteurs venaient de l’accuser de se faire « Dieu ». Comment donc allait-il répondre?
"
Jésus leur répondit : “ N’est-il pas écrit dans votre Loi : ‘ J’ai dit : “ Vous êtes des dieux ” ’ ? S’il a appelé ‘ dieux ’ ceux contre qui la parole de Dieu est venue, et pourtant l’Écriture ne peut être annulée, me dites-vous, à moi que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde : ‘ Tu blasphèmes ’, parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu ? " - Jean 10:34-36;
MN.
Jésus explique, en quelque sorte, que si des hommes injustes sont appelés "dieux", selon Ps 82:6, quelle objection y aurait-il à ce qu'il en soit ainsi de lui-même, « celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde » (Jean 10:36; TOB) ! Cependant, Jésus ne s'est même pas attribué ce nom - 'Dieu' - comme il le fait remarquer à ses accusateurs: "
j'ai affirmé que je suis le Fils de Dieu", dit-il clairement. Les œuvres qu'il faisait attestaient qu'il était, non pas Dieu, mais le "
Christ", c'est à dire l'oint de Dieu (Jean 10:24, 25). Ainsi, dans la réponse qu'il adressa à ses accusateurs, Jésus montra clairement qu'il ne s'identifiait pas à Dieu, mais à son Fils.
Un Bibliste commente ces quelques versets:
«
Le sens est le suivant: ‘Si, donc, l’Ecriture emploie le mot « dieu » (…) en l’appliquant à des magistrats, cela établi le fait qu’il est correct d’appliquer le terme à ceux qui ont une fonction et une autorité. S’il est appliqué à eux, ce mot peut l’être aux autres qui remplissent des fonctions similaires. Il ne peut pas être, par conséquent, blasphématoire d’employer ce mot en l’appliquant à un personnage tellement plus exalté que de simples magistrats, comme le Messie’ » -
Barnes ’ Notes on the New Testament.
Nous voyons donc que le terme "dieu" peut s'employer tant à propos d'humains injustes que du Fils de Dieu sans faire pour autant de ce dernier l'égal du Père, ce que Jésus a d'ailleurs fortement démenti à plusieurs reprises au cours de son ministère, ce dont je vous propose de discuter la prochaine fois.
Bien cordialement,
Didier