La tuerie de Newtown relance le débat sur les armes aux Etat
Posté : 16 déc. 2012 05:48
La tuerie de Newtown relance le débat sur les armes aux Etats-Unis
Cyprien Viet - publié le 15/12/2012
La fusillade de Newtown, qui a tué une trentaine de personnes dans une école élémentaire, dont vingt enfants, suscite une immense émotion aux Etats-Unis, où la déclaration de Barack Obama pourrait relancer le débat sur les armes. Un commerce banalisé aux mains d'un lobby puissant.
a fusillade qui a été commise vendredi 14 décembre dans une école élémentaire de Sandy Hook dans la ville de Newtown, à 128 km de New York, a fait 26 victimes dont 20 enfants. Un autre corps a été retrouvé dans un appartement de la ville, portant le bilan à 28 personnes, dont le tueur.
C'est l'«un des pires carnages jamais commis dans un établissement scolaire aux Etats-Unis», a réagi Barack Obama vendredi soir. «Chaque fois que j'apprends ce genre de nouvelles, je ne réagis pas comme un Président mais comme n'importe quel parent, a déclaré le président, très ému. C'est particulièrement vrai aujourd'hui. Je sais qu'il n'y a pas un seul parent en Amérique qui ne ressente pas la même douleur que moi».
Dans son allocution, Barack Obama a également dit vouloir " faire tous les efforts possibles pour lutter contre de telles tragédies". Une déclaration qui va peut-être relancer le débat sur la vente et le port d'armes, autorisés aux Etats-Unis.
Nous republions l'état des lieux sur ce débat, que nous avions réalisé le 27 juillet 2012 après la tuerie d'Aurora.
Le marché des armes, un secteur banalisé
Malgré quelques améliorations locales, comme dans la ville de New York, la société américaine demeure très violente. A l'échelle fédérale, le taux moyen d'homicide s'élevait en 2009 à 5,4 meurtres pour 100 000 habitants, soit un taux supérieur de 250% à celui de la France (1,6) ! Au coeur de ces drames, très souvent, l'utilisation d'armes lourdes. « Depuis quelques mois, en France, la presse s'alarme, à juste titre, de l'utilisation d'armes d'assaut dans des attaques, notamment à Marseille. Mais dans de nombreuses villes américaines, c'est totalement banal ! Je connais des quartiers dans lesquels des jeunes de 14 ou 15 ans peuvent se procurer des armes automatiques pour 50 dollars à peine... », précise Denis Lacorne, directeur de recherche à Sciences-Po Paris et spécialiste des Etats-Unis, qui a notamment étudié les violences urbaines de ces dernières décennies dans les ghettos.
Des milliers de foires aux armes d'occasion se tiennent à travers tous les Etats américains, et sont l'occasion de rassemblement familiaux et festifs, avec buvette et stand de tir, à la manière des brocantes ou des fêtes foraines en France... Une liberté d'achat dont les conséquence se font sentir au-delà des frontières des Etats-Unis.« Comme le Mexique dispose d'une législation beaucoup plus restrictive, les gangs mexicains eux-mêmes s'approvisionnent dans des foires aux armes en territoire américain, en Arizona notamment, qui sont très peu contrôlées. »
Un lobby très efficace
Après la tuerie d'Aurora en juillet dernier, le président sortant Barack Obama s'était exprimé pour un meilleur contrôle des armes, lors d'une réunion à La Nouvelle-Orléans (Louisiane), le 25 juillet. En pleine campagne pour sa réélection, il avait appelé prudemment à un consensus pour la réduction de la violence, par un dialogue entre les partis démocrate et républicain, avec la participation des organisations civiles et religieuses du pays.
Selon le candidat démocrate, les armes automatiques comme les AK-47 "n'ont leur place que sur les champs de bataille, pas dans les rues de nos villes". Une position de bon sens selon Denis Lacorne. « En France, quand un fou sévit, c'est la plupart du temps avec un arme blanche, donc les dégâts sont plutôt limités. Aux Etats-Unis, au contraire, cela peut dégénérer en massacre. James Holmes, le tueur du cinéma d'Aurora, disposait de quatre armes et de 4000 munitions en réserve, qu'il avait pu acheter en toute légalité ! » rappelle-t-il.
Sous le mandat de Bill Clinton, des garde-fous avaient pourtant été instaurés sur la vente des armes neuves. Le Brady Bill, du nom de James Brady, ancien conseiller de Ronald Reagan blessé dans l'attentat de mars 1981 contre le président, impose un examen des antécédents psychiatriques et judiciaires pour tout acheteur d'une arme de poing. Mais son champ d'action se limite aux armes neuves, et a été largement combattu par la NRA, qui défend le droit de porter des armes en vertu du deuxième amendement de la Constitution.
Il reste difficile pour les élus d'affronter ce lobby efficace, qui regroupe notamment les chasseurs, très nombreux dans certains Etats comme l'Alaska, et des populations rurales disséminées qui ne peuvent pas compter sur la police pour les protéger au quotidien.« En tant que gouverneur du Massachussetts, Mitt Romney avait pourtant fait passer une loi plus restrictive sur la vente d'armes, mais il est ensuite redevenu très prudent sur le sujet. Barack Obama, qui avait pourtant déclaré durant sa campagne de 2008 que les armes de guerre n'avaient leur place que sur les théâtres extérieurs, s'est montré plutôt lâche durant son mandat. La plupart des politiques fait preuve d'une grande hypocrisie, car la NRA représente un socle électoral incontournable. »
Et la peur engendre aussi une industrie : les sociétés de gardiennage, les caméras de surveillance, les armes, les alarmes, les armuriers... L'ensemble du secteur représente des centaines de milliers d'emplois, difficiles à fragiliser en période de crise.
Cyprien Viet - publié le 15/12/2012
La fusillade de Newtown, qui a tué une trentaine de personnes dans une école élémentaire, dont vingt enfants, suscite une immense émotion aux Etats-Unis, où la déclaration de Barack Obama pourrait relancer le débat sur les armes. Un commerce banalisé aux mains d'un lobby puissant.
a fusillade qui a été commise vendredi 14 décembre dans une école élémentaire de Sandy Hook dans la ville de Newtown, à 128 km de New York, a fait 26 victimes dont 20 enfants. Un autre corps a été retrouvé dans un appartement de la ville, portant le bilan à 28 personnes, dont le tueur.
C'est l'«un des pires carnages jamais commis dans un établissement scolaire aux Etats-Unis», a réagi Barack Obama vendredi soir. «Chaque fois que j'apprends ce genre de nouvelles, je ne réagis pas comme un Président mais comme n'importe quel parent, a déclaré le président, très ému. C'est particulièrement vrai aujourd'hui. Je sais qu'il n'y a pas un seul parent en Amérique qui ne ressente pas la même douleur que moi».
Dans son allocution, Barack Obama a également dit vouloir " faire tous les efforts possibles pour lutter contre de telles tragédies". Une déclaration qui va peut-être relancer le débat sur la vente et le port d'armes, autorisés aux Etats-Unis.
Nous republions l'état des lieux sur ce débat, que nous avions réalisé le 27 juillet 2012 après la tuerie d'Aurora.
Le marché des armes, un secteur banalisé
Malgré quelques améliorations locales, comme dans la ville de New York, la société américaine demeure très violente. A l'échelle fédérale, le taux moyen d'homicide s'élevait en 2009 à 5,4 meurtres pour 100 000 habitants, soit un taux supérieur de 250% à celui de la France (1,6) ! Au coeur de ces drames, très souvent, l'utilisation d'armes lourdes. « Depuis quelques mois, en France, la presse s'alarme, à juste titre, de l'utilisation d'armes d'assaut dans des attaques, notamment à Marseille. Mais dans de nombreuses villes américaines, c'est totalement banal ! Je connais des quartiers dans lesquels des jeunes de 14 ou 15 ans peuvent se procurer des armes automatiques pour 50 dollars à peine... », précise Denis Lacorne, directeur de recherche à Sciences-Po Paris et spécialiste des Etats-Unis, qui a notamment étudié les violences urbaines de ces dernières décennies dans les ghettos.
Des milliers de foires aux armes d'occasion se tiennent à travers tous les Etats américains, et sont l'occasion de rassemblement familiaux et festifs, avec buvette et stand de tir, à la manière des brocantes ou des fêtes foraines en France... Une liberté d'achat dont les conséquence se font sentir au-delà des frontières des Etats-Unis.« Comme le Mexique dispose d'une législation beaucoup plus restrictive, les gangs mexicains eux-mêmes s'approvisionnent dans des foires aux armes en territoire américain, en Arizona notamment, qui sont très peu contrôlées. »
Un lobby très efficace
Après la tuerie d'Aurora en juillet dernier, le président sortant Barack Obama s'était exprimé pour un meilleur contrôle des armes, lors d'une réunion à La Nouvelle-Orléans (Louisiane), le 25 juillet. En pleine campagne pour sa réélection, il avait appelé prudemment à un consensus pour la réduction de la violence, par un dialogue entre les partis démocrate et républicain, avec la participation des organisations civiles et religieuses du pays.
Selon le candidat démocrate, les armes automatiques comme les AK-47 "n'ont leur place que sur les champs de bataille, pas dans les rues de nos villes". Une position de bon sens selon Denis Lacorne. « En France, quand un fou sévit, c'est la plupart du temps avec un arme blanche, donc les dégâts sont plutôt limités. Aux Etats-Unis, au contraire, cela peut dégénérer en massacre. James Holmes, le tueur du cinéma d'Aurora, disposait de quatre armes et de 4000 munitions en réserve, qu'il avait pu acheter en toute légalité ! » rappelle-t-il.
Sous le mandat de Bill Clinton, des garde-fous avaient pourtant été instaurés sur la vente des armes neuves. Le Brady Bill, du nom de James Brady, ancien conseiller de Ronald Reagan blessé dans l'attentat de mars 1981 contre le président, impose un examen des antécédents psychiatriques et judiciaires pour tout acheteur d'une arme de poing. Mais son champ d'action se limite aux armes neuves, et a été largement combattu par la NRA, qui défend le droit de porter des armes en vertu du deuxième amendement de la Constitution.
Il reste difficile pour les élus d'affronter ce lobby efficace, qui regroupe notamment les chasseurs, très nombreux dans certains Etats comme l'Alaska, et des populations rurales disséminées qui ne peuvent pas compter sur la police pour les protéger au quotidien.« En tant que gouverneur du Massachussetts, Mitt Romney avait pourtant fait passer une loi plus restrictive sur la vente d'armes, mais il est ensuite redevenu très prudent sur le sujet. Barack Obama, qui avait pourtant déclaré durant sa campagne de 2008 que les armes de guerre n'avaient leur place que sur les théâtres extérieurs, s'est montré plutôt lâche durant son mandat. La plupart des politiques fait preuve d'une grande hypocrisie, car la NRA représente un socle électoral incontournable. »
Et la peur engendre aussi une industrie : les sociétés de gardiennage, les caméras de surveillance, les armes, les alarmes, les armuriers... L'ensemble du secteur représente des centaines de milliers d'emplois, difficiles à fragiliser en période de crise.