Oui, dans le cas d'une synecdoque, tout comme stipes pouvait désigner un assemblages de plusieurs piquets. Le tout pris pour la partie, la partie prise pour le tout.
Vous vous avancez imprudemment. Il n’est pas nécessairement question de synecdoque avec le mot
patibulum. Dans ses lettres à Lucilius, Sénèque emploie ce mot pour désigner un simple pieu (lat.
acutam crucem) (Lettre 101).
Oui, les ramifications de la croix sont les côtés de la traverse. En revanche, si Jésus a été cloué sur un poteau, il n'y a pas de ramifications à moins de les imaginer.
Ignace ne dit pas que les rameaux en question sont perpendiculaires au tronc pour former une traverse. Ce dernier parle de « rameaux » qui se forment (de manière aléatoire) sur le
stauros, et ce
stauros n’est que le support des rameaux, le tronc. Dans une note Camelot fait remarquer à propos de ce passage, « C’est ici la première fois, à notre connaissance, que se rencontre l’image de l’arbre de la croix ». C’est donc bien d’un arbre dont il est question ici et non d’une croix comme le veut la tradition ou d’un arbre en forme de croix (Ce n’est pas ce que laisse entendre Ignace dans ce passage).
De toute évidence, dans la lettre aux Tralliens, l’image de l’arbre n’a de sens que si le stauros est le tronc. D’ailleurs, l’auteur précité d’ajouter dans son introduction le chrétien « est déjà, par son baptême, uni à la mort du Christ, rameau de cet arbre de vie dont la croix est le tronc » (
Lettres - martyre de Polycarpe, p.34). Et qu’est-ce qu’un tronc d’arbre sinon un poteau ?
Rien ne permet de penser qu'Ignace faisait référence à l'engin cité par Héron. Il y a peu de chances qu'Ignace ait un jour utilisé un outil de levage de fardeaux... Il y a également peu de chances qu'il ait lu Méchanikè écrit par Héron. En effet, ils ont été contemporains, ce qui exclut avec force la consultation d'un tel ouvrage par un religieux autrement occupé qu'à consulter des ouvrages de mécanique et de manutention.
Il ne faut pas faire forcément usage d’une machine ou « consulter des ouvrages de mécanique et de manutention » pour en avoir connaissance. Si Ignace et ses correspondants éphésiens n’ont jamais employé de machine de levage à un seul montant, la plus simple des quatre connues par Héron, ils en ont très certainement vu dans leur ville respective en activité sur des chantiers de construction (probablement nombreux à Ephèse dans la mesure où il s’y est élevé d’innombrables édifices religieux).
Aujourd’hui, avons-nous besoin de manœuvrer une grue pour connaitre cet appareil ? Non, si nous connaissons la grue c’est parce qu’il nous arrive d’en voir dressée sur des chantiers de construction. Idem pour Ignace.
Plusieurs éléments peuvent être à la base des descriptions différentes chez les auteurs : l'un a vu trois extrémités, l'autre quatre (le panneau qui dépasse du Tau ?)
Non, Justin ne voit pas dans la quatrième extrémité du
stauros « le panneau qui dépasse du Tau ». Il écrit au chapitre 91 de son apologie : "La corne unique, c'est la poutre de bois verticale dont la partie supérieure s'élève en corne lorsque l'autre poutre de bois y est attachée ; et de chaque côté comme les cornes adjointes à une corne unique apparaissent les extrémités." C’est donc le prolongement du poteau fiché en terre qui constitue la quatrième extrémité. Il y a bien désaccord entre Barnabé et Justin, l’un voit le stauros en T, l’autre en +.
Et puis, comment Barnabé pouvait-il avoir eu connaissance des évangiles, puisqu'il est mort en 60 ?
Dans un précédent post, j’ai nommé l’auteur de l’
Epitre de Barnabé le pseudo-Barnabé car il ne faut pas confondre cet individu avec le compagnon de Paul appelé lui aussi Barnabé. Or, vous venez de reproduire l’erreur de chrétiens comme Clément d’Alexandrie qui ont attribué à tort cette Epître à l’apôtre Barnabé. Ecrite sous ce nom, elle pouvait forcément jouir de la popularité qu’on lui connaît, et incité des chrétiens comme Justin a s’en inspiré dans leurs écrits. D’ailleurs, « dans l’Antiquité, elle était considérée en maints endroits comme un texte canonique ou prenait place parmi les livres bibliques » (Hubertus R. Drobner,
Les Pères de l’Eglise, p.39). Pourtant, il n’en fût rien. Cet Epître n’est ni canonique, ni écrite de la main d’un apôtre.
Ah, ça c'est intéressant. Vous citez le Talmud détaillant les mises à mort prévues par le judaïsme alors que Jésus a été mis à mort par des païens. Ce n'est donc pas applicable au cas de Jésus. En revanche, on a des traces dans la Bible qui parle d'une exécution menée par des Juifs sur un engin de supplice composé de deux éléments de bois (Josué 8,29). Mais encore une fois, cela n'a rien à voir avec Jésus puisqu'il n'a pas été mis à mort par des Juifs ni selon une méthode issue du judaïsme.
Entre un verset de la Septante (l’AT traduit en grec) sujet à interprétation, et la tradition juive compilée dans le
Talmud de Babylone, référence consultée par les Juifs pour appliquer scrupuleusement la loi mosaïque, je préfère placer ma confiance dans cette dernière source.
Effectivement, Jésus n’a pas été exécuté par les Juifs mais par les Romains, néanmoins, son exécution est perçue comme une application de la loi juive (cf. Galates 3:13). Je ne dis pas que ces peines sont similaires en tout point mais pour que l’apôtre Paul perçoive dans une pratique romaine une pratique juive il faut qu’il y ait ressemblance, vous en conviendrez. Sinon, pourquoi rapprocher la pendaison juive et la crucifixion romaine ? Nous savons à présent que l’application de Deut. 21:22, 23 a des points communs avec une pratique de la crucifixion, le clouement au poteau (à savoir que les Romains ne faisaient pas toujours usage de clous pour fixer le supplicié au poteau, parfois, ils employaient des cordes. En ce cas, la pratique romaine se rapprochait davantage de la pendaison juive).
Et Paul n’est pas le seul juif à comprendre ainsi la mort de Jésus. Une tradition juive datant vraisemblablement du II° siècle selon Simon C. Mimouni, perçoit également dans l’exécution de Jésus l’observance de Deut. 21:22,23 tant est si bien qu’il est évoqué la lapidation, exécution précédant la pendaison selon F. Josèphe (
Antiquités judaïques, IV, 8, 6) alors qu’évidemment Jésus n’a pas été lapidé. Voici à ce propos la remarque de J. Hadot « les textes qui semblent les plus explicites [sur l'exécution de Jésus], tels que les Actes des Apôtres, 5, 30 et 10, 39 (à rapprocher du Talmud, Sanhédrin, 43a) ne parlent pas de la crucifixion, supplice spécifiquement romain, mais de la « pendaison au bois », coutume juive qui pouvait suivre la lapidation. » La passion de Jésus, fait d’histoire ou objet de croyance ;
Revue de l’histoire des religions, 1962, vol. 16, p. 253