Vous semblez omettre un détail qui n'est pas des moindres, à savoir quand fût écrite l'épître de Barnabé.basile a écrit :Je note que pour Lucien, païen parlant en général de la crucifixion, ou pour le Pseudo-Barnabé, parlant de la crucifixion de Jésus, ils ont bien dû puiser vers une lettre grec qui ressemblait le plus à l'instrument de supplice de Jésus, bref Tau, ne veut pas dire que le stipe ne dépasse pas, mais que dès qu'on entre dans le symbolisme des lettres, on est bien obligé de se limiter à l'alphabet qu'on a sous la main !!! Or quelles lettres grecs ou latines correspondrait à notre signe + ???
Lorsqu'il aborde sa datation, P. Prigent, auteur du livre l'épitre de Barnabé, conclue "on avancera prudemment une datation située dans le deuxième quart du IIe siècle." Une des raisons qu'il évoque pour arriver à cette conclusion, est le caractère anti-juif de cette lettre qui suppose lors de sa rédaction une séparation effective du christianisme et du judaïsme qui n'eut lieu qu'en 135 de notre ère d'après S. C. Mimouni, coauteur du livre Le christianisme des origines à Constantin ; dans le chapitre qu'il consacre à la séparation entre judéens pharisiens et judéens chrétiens, il conclue "Jusqu'en 135, il est par conséquent difficile de parler d'une polémique antijudéenne ou antijuive, et a fortiori d'un antijudaïsme chrétien".
Conclusion : lorsque l'épître de Barnabé fût rédigée, pas moins d'un siècle s’était écoulé depuis la mort de Jésus.
En outre, vous n'êtes pas sans savoir que cette épître est fortement controversée parmi les critiques. Certains lui prêtent une origine alexandrine, ce qui laisse songeur quand on sait que le berceau du gnosticisme (christianisme batard) dont l'enseignement véhicule des mythes "syncrétistes", d'après P. Maraval, est justement la ville d'Alexandrie. Celui-ci ajoute : "si la référence au Christ joue un rôle capital dans leur doctrine du salut, celle-ci emprunte aussi des éléments aux mythologies orientales, aux doctrines astrologiques, à la théologie iranienne, à des traditions bibliques, rabbiniques, à des termes platoniciens".
D’ailleurs, pour mesurer l’influence des religions locales sur les premières communautés chrétiennes, arrêtez-vous sur l’iconologie copte, très révélatrice à ce propos. Dans le livre Images chrétiennes d’Egypte : iconologie copte figurent, entre autres, les peintures murales de la chapelle de l’Exode ; il y est curieusement illustré des croix ansées et d'autres symboles hérités des mythologies égyptiennes. Si la croix du Christ fût réellement en forme de Tau, la coïncidence est frappante, d’autant qu’en "Egypte, comme la précise Jacques de Landsberg, la croix en forme de T surmontée d’une anse (croix ansée) formait l’hiéroglyphe ankh signifiant "vie". Elle sera reprise par l’Eglise chrétienne copte." L’art en croix, p. 44. Dans la même idée, Joseph Alexandre Martigny dans son Dictionnaire des antiquités chrétiennes précise, à la page 184 :
La croix dite commissa, ou patibulata (Gallonius. De martyr. cruciat. – Lips. et Gretzar. De cruce), imitant la lettre T, qui, chez les gentils, était un symbole de vie, de félicité, de salut. Ce motif a pu contribuer à faire adopter cette forme dans quelques monuments antiques (…) Nous ne saurions pourtant dissimuler que, adoptant en cela le langage figuré des anciens, et des Egyptiens en particulier, les premiers chrétiens n’aient pu quelques fois employer le T sur les sépulcres comme le signe hiéroglyphique de la vie future. On sait que ce signe était fixé sur la pemcia de S. Antoine, qui florissait déjà avant la conversion de Constantin. Cr, S. Antoine était Egyptien.
Du reste, vous parliez du staurogramme qui superpose les lettres grecques Tau et Rho. Avant de me soumettre l’argument, avez-vous au moins remarqué qu’il formait une croix... ansée ?
Enfin lorsque vous écrivez "Tau, ne veut pas dire que le stipe ne dépasse pas, mais que dès qu'on entre dans le symbolisme des lettres, on est bien obligé de se limiter à l'alphabet qu'on a sous la main", vous semblez méconnaitre les représentations primitives de la croix.
A partir du II-IIIe siècle, parmi les chrétiens, deux formes de croix, la crux commissa et la crux immissa furent principalement évoquées ; Sarcophages chrétiens et littérature patristique en témoignent largement. En outre, les érudits qui abordent le thème de la croix ou de la crucifixion s'accordent pour distinguer deux traditions de la croix.
Il est par conséquent incontestable que la forme de l'instrument de supplice de Jésus ne fit pas l'unanimité au sein de l'Eglise primitive ou disons plutôt au sein des églises primitives car il n'y eut pas une figure de la croix mais des figures de la croix, accompagnées d'interprétations symboliques aussi nombreuses et variées que les communautés chrétiennes de l'époque.
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